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David, les femmes et la mort Judith Vanistendael

 

David, les femmes et la mort

Judith Vanistendael

 

Un roman graphique poignant Au moment où nait sa petite-fille Louise, David apprend qu’il a un cancer. Mais la parole n’a jamais été son fort, et il préfère taire la maladie, la douleur, et la fin qui se profile. Au grand dam des femmes de sa vie – sa femme Paula, ses filles Miriam et Tamar. Impuissantes, elles assistent à ce délitement silencieux, mais inexorable.

L’arbre généalogique qui ouvre l’album nous fait craindre une histoire complexe. En fait, il n’en sera rien. Quelques noms y figurent par pure formalité, et en se familiarisant avec l’univers de David, on se rend compte que celui-ci est finalement peu entouré. Toutefois, cet entourage –constitué uniquement de femmes, lui est bien plus proche que toute une armada frétillante mais détachée de parents éloignés. Il y a Tamar, la cadette, qui forme avec sa mère Paula la base du foyer de David, mais aussi Miriam, sa première fille, née d’une précédente union et à son tour mère d’une petite Louise.

David apprend qu’il a un cancer. « Un cancer du larynx supraglottique. de type T3 N26 M0. Cela veut dire que tu peux t’en sortir », lui annonce son médecin, qui est aussi un ami de longue date. La nouvelle le bouleverse, évidement, et suscite des visions funèbres que Judith Vanistendael transpose sur plusieurs pages de superbes aquarelles. Mais il en parle peu, et ce sont ses femmes qui viennent prendre le relais, exprimant chacune à leur façon la tristesse et la colère qu’il est légitime d’éprouver dans une telle situation.

Le découpage en plusieurs parties –une consacrée à Miriam, l’autre à Tamar, une autre à Paula, et la dernière à David- permet d’étayer le point de vue sur la maladie et de faire une incursion dans la psychologie de chaque personnage, engendrant par la même occasion la réflexion sur les différentes façons de réagir face à un même évènement en fonction de l’âge, du statut social, mais aussi du caractère et du vécu propres. Cette incursion dans chaque personnage permet également de mettre en valeur le gouffre qui peut exister entre la vie intérieure et son extériorisation. David, qui semble si résigné, est en réalité presque fou à l’idée de sa mort prochaine. de même, Paula, qui décide de partir en Suède pendant cinq jours, laissant David et Tamar seuls à la maison, pourrait sembler cruelle si nous ne connaissions pas la terreur qui est la sienne à l’idée de perdre David et de se retrouver seule.

La manière d’aborder la mort dans cet album ne cherche pas à faire dans le grandiloquent. Les sentiments qui lui sont liés sont traités avec tout le naturel qui sied à cette situation elle-même naturelle. Finalement, ce léger détachement permet d’évoquer le cancer de David avec sérénité. On pourrait même parler d’un tragique heureux dans le sens où, personne n’ignorant la mort prochaine de David, tout le monde essaie de vivre au mieux et avec le plus d’intensité les derniers moments en sa compagnie… avec plus ou moins de succès.
Arriver à susciter l’apaisement alors même que les situations exigeraient plutôt qu’on se laisse complètement aller au désespoir n’est pas évident. Toutefois, David, les femmes et la mort réussissent à mener une danser qui y parvient parfaitement.

Les murmurantes François Emmanuel

 

 

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François Emmanuel

Un homme revient sur les traces d?une femme qu?il a aimée quelques années auparavant, dans une Inde rêveuse, crépusculaire, énigmatique. Dans un hôtel de Cagliari, un marchand d?art provoque un rendez-vous avec l?amant de sa femme morte brusquement à 46 ans. Un lien inattendu se noue entre eux autour d?une dormition de la Vierge exécutée par un maître de la Renaissance italienne. Un grand écrivain de langue espagnole vient de mourir. Dans la maison qu?il occupait, sur une île, et au milieu des querelles d?héritage (la fille aimée, sa belle-mère haïe, l’agent littéraire, les journalistes), le secrétaire du grand homme dévoile le lien particulier qui les unissait : qui, de celui qui dictait ou de celui qui recueillait cette parole, écrivait vraiment ? Trois nouvelles amoureuses qui, chacune à leur manière, donnent la mesure du talent de François Emmanuel : une prose subtile et sensible, des personnages et des thèmes qui se croisent, s’appellent et se répondent, pour faire de ce recueil un livre à part entière, une variation à trois voix sur l’objet perdu du désir.

Contrepoint Anna Enquist

 

Le pouvoir de la musique, celui des mots sont des thèmes chers à Anna Enquist qui les revisite ici avec une intensité très maîtrisée dans ce texte autobiographique. Un cheminement de mère qui , au fur et à mesure de ses interrogations sur l’interprétation des variations Goldberg de Bach cherche une restauration, une remise en ordre de son monde intérieur totalement bouleversé par cette catastrophe qu’est la mort de sa fille. Elle  établit aussi un pont par delà les années entre la vie de Bach , marquée par la douleur et la sienne.