Nous n’avons pas choisi cette salle
ou cette musique.
Nous y avons été invités.
En conséquence, parce que l’obscurité nous entoure, laissez-nous tourner nos visages vers la lumière.
Laissez-nous endurer les épreuves et être reconnaissants pour ce que nous avons.
On nous a donné la douleur pour être stupéfaits par la joie.
On nous a donné la vie pour refuser la mort.
Nous n’avons pas choisi cette salle
ou cette musique.
Mais puisque nous sommes là, dansons.
Stephen King
En disant : « j’ai réglé mes comptes avec la
vie », je veux dire : l’éventualité de la mort est intégrée à ma vie ;
car regarder la mort en face l’accepter comme partie intégrante de la vie, c’est élargir cette vie.
À l’inverse, sacrifier dès maintenant à la mort un morceau de cette vie, par peur de la mort et refus de l’accepter, c’est le meilleur moyen de ne garder qu’un pauvre petit bout de vie mutilée, méritant à peine le nom de vie.
Cela semble un paradoxe : en excluant la mort de sa vie, on se prive d’une vie complète, et en l’y accueillant, on élargit et enrichit sa vie.
Etty Hillesum
Le prodige de ce grand départ céleste qu’on appelle la mort, c’est que ceux qui partent ne s’éloignent point.
Ils sont dans un monde de clarté, mais ils assistent, témoins attendris, à notre monde de ténèbres.
Ils sont en haut et tout près. Oh ! Qui que vous soyez, qui avez vu s’évanouir dans la tombe un être cher, ne vous croyez pas quittes par lui. Il est toujours là. Il est à côté de vous plus que jamais. La beauté de la mort, c’est sa présence.
Présence inexprimable des âmes aimées, souriant à nos yeux en larmes.
L’être pleuré est disparu, non parti.
Nous n’apercevons plus son doux visage ; nous nous sentons sous ses ailes.
Les morts sont les invisibles, mais ils ne sont pas les absents.
Victor Hugo
Je lègue à mes enfants
cette aube sans couleur
le pain triste les rues
où je fus dédoublé
Je lègue les fontaines
qui m’ont parlé la nuit
les wagons solitaires
et les ormes coupés
Tous les recoins obscurs
et les hangars déserts
Et mal interprétés
les rêves d’un bonheur
toujours décomposé
Je lègue avec les rails
la rouille des années
les trains sans voyageurs
la gare abandonnée
Je lègue après la joie
cette ville changée
Comme est changé celui
qui croyait tout aimer
A mes enfants je lègue
mon infidélité
Je mourrai divisé
mécontent Sans espoir
Je lègue à mes enfants
un immense devoir :
Reprendre pied Revivre
Achever chaque soir
la tâche du matin
Donner enfin aux autres
une eau plus douce à boire
Je lègue à mes enfants
un sinistre miroir
qu’en souvenir de moi
ils voudront bien briser
Afin que les morceaux
reforment cette étoile
qu’en naissant j’ai trahie
Et que ma mort doit rendre
à son éclat premier
Je lègue à mes enfants
un impérieux devoir :
Ne pas désespérer.
Georges Haldes La Blessure essentielle
Je lègue à mes amis…
un bleu céruleum pour voler haut
un bleu de cobalt pour le bonheur
un bleu d’outremer pour stimuler l’esprit
un vermillon pour faire circuler le sang allègrement
un vert mousse pour apaiser les nerfs
un jaune d’or : richesse
un violet de cobalt pour la rêverie
une garance qui fait entendre le violoncelle
un jaune barite : science-fiction, brillance, éclat
un ocre jaune pour accepter la terre
un vert Véronèse pour la mémoire du printemps
un indigo pour pouvoir accorder l’esprit à l’orage
un orange pour exercer la vue d’un citronnier au loin
un jaune citron pour la grâce
un blanc pur: pureté
terre de Sienne naturelle: la transmutation de l’or
un noir somptueux pour voir Titien
une terre d’ombre pour mieux accepter la mélancolie noire
une terre de Sienne brûlée pour le sentiment de durée
(Viera da Silva, “Le Testament”)