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Sous le sable

Sous le sable

de François Ozon

Chaque été, Jean et Marie partent en vacances dans les Landes. Mais cette année, alors que Marie dort sur la plage, Jean disparaît. S’est-il noyé? S’est-il enfui? Marie se retrouve seule face à l’énigme de la disparition de l’homme de sa vie. Elle refuse d’accepter sa disparition et attend sans cesse son retour, oscillant aux limites de la folie. Marie s’enferme dans une déprime légère. Une folie douce. Elle refuse de le croire mort, en l’absence de corps, et parle de lui au présent à des amis consternés.

Le scénario est tiré de faits réels : “Je me suis inspiré d’un événement dont, enfant, j’ai été témoin. J’avais 9-10 ans et j’étais en vacances dans les Landes avec mes parents. Sur la plage, nous croisions tous les jours un couple de Hollandais de 60 ans. Un jour, l’homme est parti se baigner et il n’est jamais revenu. On a alors vu l’hélicoptère arriver sur la mer, la femme qui discutait avec les Maîtres Nageurs Sauveteurs. (…) Et l’image de cette femme qui repart seule chez elle avec les affaires de son mari m’a souvent hanté. Je me suis toujours demandé : que s’est-il passé ?”

François Ozon s’est introduit dans l’esprit de cette femme pour en surprendre les méandres et les failles. Il explore le chagrin et la naissance de l’obsession. Il n’apparait rien que de très banal à l’image, mais « sous le sable », sous l’apparence, perce une tension indéfinissable. Une fausse quiétude cache progressivement une vraie cruauté. Le film atteint la qualité des grands mélos comme ceux de Douglas Sirk ou de Fassbinder, où le salut ne peut venir que du rêve et de l’illusion.

François Ozon évite de tomber dans les clichés du genre mélodramatique, il n’impose ni pathos, ni musique envahissante, ni mise en scène tape-à-l’œil. Chaque plan est une ode à la passion humaine, chaque séquence confirme une maîtrise très sobre de la mise en scène. La pureté du jeu des trois principaux comédiens (Charlotte Rampling – Bruno Cremer – Jacques Nolot, l’amant de passage) correspond en réalité à un détachement corporel dans le temps.

François Ozon emplit l’espace d’une souffrance : celle d’un mari désabusé par la vie, celle de son épouse qui perd toute sensibilité et qui s’ouvre à cette nouvelle solitude. Il sait que suggérer le plus, c’est exprimer le mieux. Le film brille par sa sensibilité à fleur de peau, par son humanisme déroutant mais aussi pour ce portrait de femme, dessiné tout en finesse et interprété par Charlotte Rampling qui envahit l’écran de son élégance. Elle exhale si magnifiquement le mystère que tout le film en est imprégné. A la frontière d’une jeunesse qui la quitte et du temps qui la guette. Charlotte Rampling sait que la présence est l’arme imparable. Grâce à Ozon, elle réussit à rendre tangible cette frontière où la raison s’est déjà effacée, sans que nul ne s’en aperçoive encore.